Texte extrait de FIFA.com du Mercredi 3 mars 2004

 

Législateur du football, l'International Football Association Board a, en interdisant aux joueurs de contrôler le ballon de la main ou en encourageant les gardiens de but à se servir de leurs pieds, joué un rôle essentiel dans l'essor du ballon rond. De ses 118 années d'existence, nous avons retenu dix dates comme autant de jalons essentiels dans l'évolution du sport le plus populaire au monde.

1863 : Création de la Football Association anglaise à Londres
Il existait certes des règles avant cette date. Mais elles étaient par trop nombreuses et souvent contradictoires. Le football trouve ses origines dans le "mob football", un jeu souvent violent joué les jours de fête dans les villes et villages anglais. Tout ou presque était permis pour amener le ballon aux emplacements désignés, mais des différences de conception relatives aux modalités d'utilisation des pieds et mains surgirent très tôt. A partir du début du XIXème siècle, on commença à disputer des matches sur les places, les terrains de jeu, voire dans les cloîtres des collèges anglais. Mais la façon dont Eton jouait différait considérablement de celle d'Harrow, qui se différentiait à son tour de Winchester, de Charterhouse.


Au bout de cette chaîne, on trouvait la variante extrême du jeu pratiquée à Rugby. Entre 1845 et 1850, contrariés, des étudiants de Cambridge entreprirent d'unifier les règles. Ce sont ces règles qui allaient être accepté le 26 octobre 1863. Entre un morceau de tarte et une bière dégustés en cette venteuse matinée d'automne, douze clubs et collèges réunis à la Freemason's Tavern londonienne codifièrent un premier ensemble de règles destinées à régir la discipline.


L'une des écoles présentes, Blackheath, refusa d'accepter la non-inclusion dans les règles du "hacking" (un coup de pied donné sous le genou) et quitta la réunion. Mais les onze autres acceptèrent de créer la Football Association. Sous la houlette de Ebenezer Cobb Morley, 14 lois furent édictées pour donner un cadre à la discipline qui allait, au cours du siècle suivant, s'émanciper de ses modestes origines anglaises pour devenir l'activité la plus pratiquée, la plus regardée et la plus débattue de la planète.

 

1872 : Premier match international : Ecosse 0:0 Angleterre (Partick, Ecosse, 4000 spectateurs)
C'est sur un terrain de cricket détrempé que l'Ecosse accueillit, le samedi 30 novembre 1872 (jour de la St. Andrew), l'Angleterre pour ce qui fut le premier match opposant deux pays. En cette année précédant la naissance de la fédération écossaise, c'est Queen's Park qui représentait l'Ecosse. Les joueurs écossais portaient des maillots bleus, des knickerbockers (shorts) blancs et des bas rayés bleus et blancs, tandis que les Anglais portaient maillots et shorts blancs et bas aux couleurs de leur collège. Les deux formations recoururent à ce qu'il convient d'appeler, selon les canons actuels, des formations à vocation offensive (un 2-2-6 pour l'Ecosse et un 1-1-8 pour l'Angleterre).

Il faut cependant préciser que le jeu conservait à l'époque encore beaucoup des caractéristiques du "mob-football", fait essentiellement d'un "kick and rush" et qu'il ressemblait, du moins sur le plan tactique, plus au rugby moderne qu'au football. Même si la nouvelle discipline était plus développée en Angleterre, où un nombre croissant d'équipes de clubs avaient disputé la première compétition de football (la FA Challenge Cup) l'année précédente, c'est la tactique de passes révolutionnaire adoptée par l'Ecosse qui s'avéra la plus efficace. Aucun but ne fut marqué ce jour-là mais le nombre de spectateurs payants incita les organisateurs à programmer à nouveau cette confrontation. L'équipe du nord allait s'adjuger huit victoires sur les douze premières rencontres Angeterre-Ecosse.


1886 : Première réunion de l'International Football Association Board (IFAB)
En dépit de l'unification des règles et de la création de la Football Association en 1863, des dissensions (impliquant principalement des clubs de Sheffield qui avaient présenté leurs propres idées en la matière en 1857) persistèrent jusqu'à la fin des années 1870. En 1882 toutefois, la création de l'International Football Association Board mit finalement un terme à toutes les querelles de clocher. Les samedis fériés, l'interdiction des sports sanglants, l'essor du réseau ferroviaire et l'accroissement de la classe ouvrière, argentée et passionnée par le football, furent autant d'éléments qui contribuèrent au développement de la popularité de la discipline.

 

Parallèlement, un organe chargé de protéger et de préserver les lois du jeu s'imposait comme une nécessité. Réunissant deux représentants de chacune des quatre associations existantes au Royaume-Uni (celles du Pays de Galles et d'Irlande avaient été fondées respectivement en 1876 et en 1880), l'IFAB se réunit pour la première fois le 2 juin 1886 pour s'ériger en gardien des Lois du Jeu. A l'époque comme aujourd'hui, une proposition devait recueillir trois quarts des voix pour être adoptée.

 

1891 : Arbitres, penaltys et filets
Jusqu'en 1891, le penalty n'existait pas. On estimait qu'un homme éduqué dans le giron d'un collège de l'Angleterre victorienne était incapable de commettre la moindre faute délibérée. Même si l'avènement du professionnalisme en 1885 avait permis à un nombre croissant d'hommes issus de la classe laborieuse d'accéder à la discipline, l'invention du penalty (que l'on appelait à l'origine "kick of death", le tir de la mort) fut plus vraisemblablement le résultat du renforcement de la concurrence que du souci de favoriser le fair-play. Son introduction fut la première d'une série de modifications spectaculaires des Lois du Jeu en 1891.

 

Mais le penalty devait être octroyé par quelqu'un. C'est ainsi que, sur une proposition de l'association irlandaise, l'arbitre fut autorisé à prendre place dans l'aire de jeu. A l'origine, les différends étaient aplanis par les capitaines des deux équipes ainsi qu'il seyait à un sport pratiqué par des gentlemen. L'importance croissante des enjeux s'accompagna cependant d'une multiplication du nombre de plaintes. A l'époque où se déroulèrent la première FA Cup et le premier match international, il y avait sur le terrain deux "umpires" et chaque équipe pouvait faire appel à l'un d'entre eux.

 

a solution n'était guère idéale car les décisions, tantôt favorables, tantôt préjudiciables, ne tombaient qu'après de longs palabres et plusieurs appels. A l'origine, l'arbitre se tenait sur la ligne de touche et chronométrait le match. On se référait à lui (c'est de la que vient le nom de "referee") lorsque les deux umpires ne parvenaient pas à trouver un terrain d'entente. Mais tout changea en 1891. A partir de cette date, une seule personne, habilitée à expulser des joueurs et à octroyer des penaltys et des coup francs sans se soucier des appels, devint un acteur permanent du jeu, tandis que les deux umpires devenaient des juges de ligne ou des "arbitres assistants" comme on les appelle aujourd'hui.

 

C'est également durant cette rencontre en Ecosse que le filet fut adopté dans les lois du jeu. Il complétait ainsi l'aménagement des cages après le remplacement du ruban par une barre transversale 16 années auparavant.

 

1902 : Le terrain trouve ses marques
Nombre des marquages que nous voyons aujourd'hui les terrains du monde entier sont une conséquence directe de ces lois (et d'autres lois) adoptées au cours du processus de maturation de la discipline. Initialement place de village, puis parc et ensuite terrain de cricket, l'aire de jeu a progressivement vu ses dimensions réduites au fil des années. A l'origine, bien entendu, il n'y avait pas de marques. Mais l'introduction des règles et de stades dévolus à la pratique exclusive du football rendit nécessaire l'adoption de lignes blanches. Le coup d'envoi impliquait de disposer d'un point central.

La nécessité de maintenir les joueurs à dix mètres d'un coup franc imposa la création du rond central. La division du match en deux mi-temps nécessita une ligne centrale. Les remises en jeu (effectuées à deux mains depuis 1882), s'effectuèrent derrière la ligne de touche. Les coups de pied de but (1869) et de coin (1873) donnèrent leurs formes à la ligne de but et à l'arc de corner. Entre le moment de son apparition en 1891 et 1902, le penalty ne se tirait pas depuis un point précis mais depuis n'importe quel endroit le long de la ligne des 12 mètres. On décida en 1902 d'accorder des penaltys pour les fautes commises dans une surface mesurant 18 mètres à partir de la ligne de but et 44 mètres de largeur.

C'est ainsi que naquirent la surface de réparation et le point de penalty. Une autre zone de but en forme de rectangle, appelée "petit rectangle", mesurant six mètres de largeur et 20 mètres de longueur, remplaça le demi-cercle tracé devant le but. On attendrait ensuite 35 ans pour voir apparaître la dernière pièce du puzzle, le "D" dessiné en tête de la surface de réparation et dont le rôle est d'éviter au tireur du penalty d'être gêné dans sa course d'élan.

1904 : Fondation de la FIFA
Au début du XXème siècle, la nouvelle discipline commença à faire fureur dans d'autres parties du monde comme le Royaume-Uni. La notoriété du jeu franchit les mers et se répandit comme une traînée de poudre dans les pays européens, tandis que les marins anglais trouvaient de nombreux compagnons de jeu enthousiastes aux quatre coins du globe. Les associations et fédérations de football se mirent à pousser comme des champignons dans le monde entier et la FIFA vit le jour à Paris en mai 1904. Elle comptait à l'origine sept membres : la France, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l'Espagne (représentée par le FC Madrid), la Suède et la Suisse.

u Royaume-Uni, on conçut initialement une certaine inquiétude à l'idée d'un organe mondial gouvernant la discipline dont on avait édicté les règles, mais il ne fallut que quelques années pour balayer cette incertitude. Daniel Burley, ancien membre du conseil d'administration de la FA, succéda à Robert Guérin au poste de Président de la FIFA en 1906, l'année même de l'affiliation de la FA anglaise. Jusqu'en 1918, année de la fin de la Première Guerre Mondiale, l'Anglais n'eut de cesse de promouvoir un code unifié du football dans le monde entier.

1913 : La FIFA devient membre du Board
Tandis que rois et hommes politiques mettaient sur pied un système d'alliances qui finirait par plonger l'Europe dans la guerre mondiale, le football permettait aux amitiés de se nouer. De nombreuses autres associations européennes vinrent grossir les rangs de la FIFA avant que l'Afrique du sud (1909/1910), l'Argentine et le Chili (1912) et les Etats-Unis (1913) ne devinssent les premiers membres non européens.

Même si Lénine considérait le football comme une diversion destinée à émousser la conscience politique du prolétariat, la discipline connaissait un essor considérable dans les nations au moment même où le nouveau concept de loisirs offrait du temps libre aux populations. On assista ainsi à des premières en Amérique du nord, où le Canada vint à bout des Etats-Unis par 1:0 à New Jersey en 1885, en Amérique du sud, où l'Argentine et l'Uruguay se séparèrent sur un nul vierge à Buenos Aires en 1905 et en Asie, où les Philippines battirent la Chine à Manille en 1913. Conséquence de l'évolution du football et du nombre croissant d'associations membres (20 à la fin de la Première Guerre Mondiale), la FIFA fut accueillie au sein de l'IFAB et elle reçut des droits de vote équivalents aux quatre associations du Royaume-Uni. Il y avait toujours huit voix et le même quorum de 75% était exigé pour qu'une proposition soit adoptée, mais l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande disposaient désormais d'une voix chacune tandis que la FIFA en avait quatre.

insi équilibré, l'organe avait besoin du soutien de la moitié des associations fondatrices pour approuver un changement, tandis que celles-ci pouvaient bloquer à elles seules une proposition. Cela permettrait au Board, pensait-on, de préserver la dose de conservatisme nécessaire tout en adoptant une attitude progressiste vis-à-vis de la discipline. C'est en grande partie grâce à cette philosophie que le football parvint, en dépit de trois décennies suivantes mouvementées placées sous le signe de deux guerres mondiales et de bouleversements sociaux, non seulement à survivre mais à prospérer. En 1930, le rêve d'une compétition internationale se matérialisa même en Uruguay.

 

1925 : Le hors-jeu accède à l'âge adulte
Tout comme les termes d'attaque, de défense, d'ailier, d'attaquant et de tir, le concept de hors-jeu tire ses origines de la vie militaire. "En dehors de votre équipe" ou "hors jeu" signifie qu'un joueur attaquant se trouvant devant le ballon est en position illégale. La règle du hors-jeu, semblable à celle qui est utilisée aujourd'hui en rugby, est une des règles originales adoptées en 1863. Dans les premiers systèmes tactiques mis en place, les équipes alignaient jusqu'à huit attaquants, car le seul moyen de faire avancer le ballon était de dribbler ou de jouer en mêlée. Mais Sheffield, dont les règles n'incluaient pas le hors-jeu, s'opposait fortement à cette approche.

Les différences furent finalement aplanies à la fin des années 1860 lorsque la FA prit la décision capitale d'adopter la règle des trois joueurs, stipulant qu'un attaquant serait hors-jeu s'il était placé devant l'antépénultième défenseur. Le jeu de passes devint partie intégrante du football à partir de ce moment, que beaucoup considèrent comme la véritable naissance de ce sport. Grâce aussi à la règle empêchant les gardiens de but de contrôler de la main le ballon en dehors de la surface de réparation (1912) ainsi qu'à la règle interdisant les hors-jeu sur les remises en jeu (1920), le nombre de buts marqués se mit à augmenter. En 1925, la règle des trois joueurs devint règle des deux joueurs. Cela constitua un nouveau tournant qui contribua à renforcer l'essor du football.

1938 et 1997 : Une cure de jouvence
Les règles originales étaient figées dans la langue de l'époque victorienne. Plus d'un demi-siècle de modifications et amendements firent ressentir en 1937 la nécessité de rafraîchir les Lois du Jeu (elles étaient à l'époque au nombre de 17). Stanley Rous, un membre de l'IFAB et l'officiel qui fut le premier à recourir au système diagonal d'arbitrage, fut considéré comme l'homme de la situation pour mener à bien cette tâche gargantuesque. L'Anglais, qui allait devenir Président de la FIFA en 1961, commença à éliminer les toiles d'araignée et à reclasser les Lois dans un ordre rationnel. Le travail de Sir Stanley fut à ce point méticuleux et les modifications des lois du jeu lors de la période d'essor véritable de la discipline à ce point rares qu'il faudrait attendre près de 60 ans pour assister à une nouvelle simplification (de 30 %) du texte et une modernisation de la langue utilisée.

>Années 1990 : "Pour le bien du jeu"
Au début des années 1990, le football était devenu un phénomène mondial qu'aucune autre discipline sportive n'égalait. En plus des championnats nationaux, des compétitions continentales et des Coupes du Monde furent créées pour satisfaire la demande des supporters qui s'étaient identifiés à leur club et à leur pays. La télévision ne fit que renforcer la soif apparemment inextinguible des spectateurs. Non contente de faire de nombreux joueurs des vedettes mondiales et de transformer les marquages du terrain en un des graphismes les plus reconnaissables de notre planète, elle amena des millions de personnes supplémentaires à s'intéresser au jeu en leur permettant de comprendre instantanément les règles établies dans l'arrière-salle d'un petit pub londonien il y a de nombreuses décennies.

Passées du stade embryonnaire entre le milieu et la fin du XIXème siècle à l'adolescence à l'aube du XXème siècle, les Lois du Jeu ont connu une croissance remarquable. Leur logique simple et claire les rend compréhensibles pour tous et l'accent mis sur la sportivité constitue un argument tout aussi séduisant pour les pratiquants.

Au cours des années 80 cependant, et pour la première fois peut-être dans la longue histoire du football, on nota certains signes de désaffection de l'audience. Exacerbé par les rivalités tribales et les ferveurs nationalistes, l'impact social et émotionnel du ballon rond dégénéra parfois en violence passionnée. Avec la popularité et l'argent, le professionnalisme se développa dans les coulisses et sur le terrain. Le résultat devint plus important que tout et les tactiques défensives se généralisèrent aux dépens du spectacle. A la fin des années 80, les observateurs s'accordaient à dire que cette évolution avait mis en lumière la nécessité de procéder à quelques réglages des Lois du Jeu. p>Ces amendements importants, souvent édictés "pour le bien du jeu", furent imaginés pour promouvoir le football offensif. On commença par remanier la loi sur le hors-jeu en 1990 afin de donner l'avantage à l'équipe attaquante. Si l'attaquant était sur la même ligne que l'avant-dernier défenseur, il n'était plus hors-jeu. La même année, la "faute professionnelle" (qui consiste à priver l'adversaire d'une occasion de but franche) devint une infraction passible d'exclusion.

En dépit de ces changements, les tactiques utilisées au cours de la Coupe du Monde de la FIFA, Italie 1990, suggérèrent que quelque chose d'autre devait être fait. Deux ans plus tard, l'IFAB réalisa une des avancées les plus spectaculaires de son histoire en interdisant aux gardiens de but de contrôler de la main les passes en retrait intentionnelles. Le Board prouvait ainsi qu'il pouvait allier innovation et conservatisme. Et quand bien même cette nouvelle règle fut initialement saluée avec scepticisme par certains, elle ne tarda pas à faire l'unanimité. Les arbitres sanctionnaient déjà la simulation ou la tricherie d'un carton rouge et, en 1998, le tacle par derrière devint une faute passible d'exclusion. Tous ces amendements ainsi que la promotion de la sportivité et le retour aux racines courtoises de la discipline, soulignent parfaitement l'engagement de l'IFAB au cours des années 1990 pour faire évoluer le football.

Alors que le football trace de nouvelles frontières, l'IFAB, organe rarement reconnu par le grand public, s'est réuni le 28 février et, comme il le fait chaque année depuis sa création en 1886, a examiné la discipline dans le souci d'assurer au football la même réussite au XXIème siècle que celle qu'il a connue lors des deux précédents.